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ACTUALITÉS GEM2024-05-06

« Contribuer à la recherche à travers le mécénat est un acte de cohérence, fort et essentiel »

Image représentant l'intelligence artificielle

Temps de lecture : 12 min

Jean-Pierre Corniou est grand mécène de la Fondation GEM, depuis 2017. Il soutient, à titre personnel, les projets de recherche de la chaire Digital Organizations & Society (DOS), et s’est investi dans la création de programmes pilotes, dédiés à la filière numérique à GEM, où il enseigne. Il nous livre les raisons de son investissement auprès de Grenoble Ecole de Management, qui hybride singulièrement l’enseignement des technologies du numérique et le management.

Quelle est le genèse de votre engagement en faveur de GEM ?

Il date du début du XXIème siècle ! J’étais à l’époque Président du CIGREF, un réseau de grandes entreprises et administrations publiques françaises, engagées dans les technologies du numérique. J’étais en première ligne pour constater les difficultés des entreprises à disposer de collaborateurs qualifiés dans les systèmes d’information. La France détient d’excellents codeurs, mais manque aujourd’hui encore d’analystes et de chefs de projet SI, générant une vision prospective de l’organisation pour investir de véritables stratégies IT. 

Vous avez été l’instigateur via le CIGREF de la création de programmes du numérique en partenariat avec GEM.  Pourquoi avoir choisi GEM ?

GEM n’est pas une école de management comme les autres. GEM a perçu très tôt l’enjeu d’intégrer les sciences et les technologies au management. La France connaît un déficit politique et structurel majeur dans l’enseignement des sciences pour des raisons historiques récentes. Ce déficit a créé une distance entre le management et les sciences de l’information. Pourtant, les technologies numériques, lorsqu’elles sont intégrées à l’enseignement du management, révolutionnent le traitement des données et permettent le pilotage de stratégies d’entreprises extrêmement fines ! C’est le cas des enseignements et de la recherche produits à GEM.

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Crédit photo Yasmine MOUKHLISS

En quoi, selon vous, les sciences informatiques façonnent-elles les nouveaux contours de l’humanité ?

Les nouvelles technologies ne réduisent pas, mais démultiplient les emplois ! La stimulation du cerveau humain élargit les champs cognitifs, au même titre que l’imprimerie a créé les fondations du siècle des Lumières et de la révolution agricole, technique et industrielle. 

Nous disposons aujourd’hui des moyens technologiques pour maîtriser la diffusion, complexe, de l’information. Cette mutation intellectuelle est fondamentale ! Hélàs, la France, n’a pas encore pleinement mesuré la différence entre « l’âge de l’informatisation » et « l’ère numérique » : il ne s’agit plus d’automatiser des processus, mais d’innover grâce à la maîtrise des données. En clair, l’enjeu aujourd’hui est d’investir massivement dans une solide connaissance du potentiel des technologies, fine et singulière, pour changer les produits et les process, et répondre aux enjeux du monde contemporain. 

Une technologie n’est pas positive, neutre ou négative en soi. La technologie numérique façonne nos comportements car elle est profondément démocratique, adoptée par tous. Les relations avec les collaborateurs, les clients, les fournisseurs, les institutions publiques… ont changé de nature. Mais si l’on investit sans réfléchir au préalable aux dimensions anthropologiques des transformations généres par le numérique, c’est problématique. 

La fin de l’année 2022 a déplacé le cuseur avec l’IA générative, mais la révolution va bien au-delà… 5,4 milliards de terriens sont refaçonnés dans leur comportement car ils sont connectés à internet. Et les macro-révolutions impactent les micro-comportements. D’où la nécessité d’investir dans l’intelligence collective afin d’identifier ce qui nous rapproche du bien commun, et ce qui nous en éloigne.

Quels sont les bénéfices générés par votre contribution, et celles d’autres entreprises, auprès de la chaire DOS de GEM ?

La recherche dans les sciences du numérique, telle qu’elle est conduite au sein de la chaire DOS, est consubstantielle à la recherche en management des technologies de l’information. J’ai enseigné et j’enseigne à GEM dans les filières de formation continue et auprès des étudiants post-Bac. Mon expérience au long cours dispense une vision à 360 degrés de l’impact de ces technologies sur le devenir de nos sociétés.

La chaire DOS de GEM est un lieu de rencontre et d’émulation, respectueux des expertises académiques et des exigences stratégiques et opérationnelles des entreprises. Les chercheurs de la chaire ne sont pas déconnectés du terrain. Il sont certes investis dans un travail de publication scientifique, mais leurs champs de recherche croisent fondamentalement les enjeux et besoins des entreprises.

Enseigner, et contribuer à la recherche constituent donc les conséquences logiques de cet investissement. En tant que consultant, l’enseignement est la matière première à l’anticipation des évolutions auprès des équipes managériales. Cet engagement entre la vie économique et académique est un axe clé de l’efficacité opérationnelle dans les organisations. 

Je suis contributeur à titre personnel auprès de la chaire DOS depuis près d’une décennie. C’est un acte de cohérence. Selon moi, payer des impôts est un honneur : on contribue, de fait, au bien commun. J’ai payé l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) dès l’origine, et je paie aujourd’hui l’impôt sur la fortune immobilère (IFI). Contribuer à la recherche à travers le mécénat est un acte de cohérence, fort et essentiel. Les entreprises devraient travailler à plus de contribution, à l’image du mécénat des grandes entreprises aux universités américaines.

En conclusion, que souhaitez-vous formuler à l’attention des entreprises ?

Créer un pont entre les entreprises et la recherche académique est essentiel : GEM n’existe que parce qu’elle est connectée à la société et au monde économique. Soutenir la recherche offre la garantie d’utiliser ses ressources pour une cause fondatrice de nos sociétés contemporaines : la science et la technologie. Grenoble crée cette hybridation entre la recherche en management, les sciences et la technologie. La coopération avec GEM est un gage de succès. Contribuer financièrement à la recherche est une responsabilité fondamentale, qui permet de réduire son niveau d’imposition et de prendre sa part de responsabilité dans l’évolution de nos sociétés

 

Jean-Pierre Corniou, observateur et acteur de la globalisation numérique 
A 73 ans, Jean-Pierre Corniou s’inscrit résolument dans une dynamique sociale, académique et économique intense et diversifiée. Consultant au sein de la société de conseil et services informatiques Agile IT, il coopère auprès du pôle de compétitivité français Systematic, dédié à la diffusion des technologies de l’information et de l’IA dans les entreprises. Grand mécène de la Fondation GEM, il est par ailleurs à l’origine de la création des programmes du numérique à GEM, et intervenant au sein de l’école, ainsi qu’à l’Université Paris-Dauphine, à Tunis. Conférencier et auteur de nombreux ouvrages (voir bibliographie), Jean-Pierre Corniou a capitalisé sur son expérience pionnière en tant que directeur des systèmes d’information pendant plus de 16 ans dans de grandes entreprises françaises (Sollac, Usinor, Renault..), à l’issue d’une carrière de haut fonctionnaire dans la fonction publique. Très investi dans la prospective, il a été président du CIGREF entre 2000 et 2006, et co-instigateur d’EuroCIO, le réseau européen des CIO. Chaque année, il analyse les tendances des innovations technologiques présentées au CES de Las Vegas, et a animé une conférence, le 21 mars dernier, au Campus GEM à Paris.

Lien vers le replay de la conférence du 21 mars

 

Bibliographie de Jean-Pierre Corniou :

  • « La contribution du numérique à la croissance de la France » Fondapol, 2011.
  • « Sept milliards de terriens, un milliard d’automobiles, la cohabitation est-elle possible? », Ligne de repères, 2012.
  • « Le choc numérique », Nuvis, 2013.
  • « L’intelligence iconomique » de Boeck, 2015, ouvrage collectif. 
  • « Le nouveau monde de l’automobile », Fondapol, 2016.
  • « L’avenir de l’hydroélectricité », Fondapol, 2018.
  • « Quand la voiture du XXIe siècle sera chinoise », 2019, Ligne de repères, MarieB. 
  • « Liberté, égalité, mobilité » 2023, Lignes de repères, MarieB.
  • « Les chemins du digital » 2024.

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